Hier, les gilets jaunes devant le chateau d’Arcins, en Gironde Loïc Le Loët
   
   
Lundi, 8 Avril, 2019   Ixchel Delaporte
   
   
   
Des gilets jaunes du Médoc ont profité de ce week-end portes ouvertes pour dénoncer la mainmise de sociétés d’assurances et de vastes groupes financiers sur les grandes propriétés viticoles.

C’est une balade comme on n’en a jamais vu dans le Médoc. Une action inédite : des gilets jaunes du Médoc dénoncent la mainmise de sociétés d’assurances et de grands groupes financiers sur les grands châteaux viticoles. Au cœur d’une des appellations les plus prestigieuses au monde, une soixantaine d’entre eux se sont invités au Printemps des châteaux, le traditionnel week-end portes ouvertes dans le Bordelais. Cette année, le ballet de voitures et de cars de touristes n’a pas eu lieu. Par précaution, ces châteaux ont préféré fermer leurs grilles. L’action annoncée comme pacifique et festive quelques jours plus tôt par les gilets jaunes médocains n’a pas suffi à calmer les inquiétudes des propriétaires. Sans doute, la publication d’un article très mal renseigné dans le journal Sud Ouest a-t-il fini par les convaincre de projets « d’occupation de trois châteaux » et « la venue de black blocs ».

Ce dimanche matin, deux rendez-vous simultanés étaient donnés sur les parkings de Leclerc au Pian-Médoc et à Lesparre pour deux itinéraires, un premier cortège de voitures en direction des château Prieuré-Lichine et château d’Arcins, le second aux châteaux Loudenne et Pedesclaux. Bernard descend doucement de sa voiture. À 75 ans, muni de sa canne et de son gilet jaune, il est venu de Blaye, de l’autre côté de l’estuaire, pour faire nombre. Mais il n’a pas rejoint les gilets jaunes du rond-point Bel-Air à Blaye dès le début. Non. Cela s’est fait petit à petit. « Je leur amenais des bouteilles d’eau et des œufs durs. Un jour, une femme m’a proposé de boire le café et de rester manger. Avant, je ne sortais pas. Et puis, j’ai commencé à aller aux réunions, à me faire des amis. Alors, aujourd’hui, je suis venu pour tous ces services publics qui ferment, pour ces paysages défigurés et ces zones appauvries », explique-t-il.

Comme lui, ils viennent de divers collectifs de gilets jaunes, autant que de ronds-points toujours actifs dans ce territoire, défini par l’Insee comme le début d’un long couloir de la pauvreté qui s’étend du nord du Médoc jusqu’à Villeneuve-sur-Lot, juste à l’endroit du parcours œnotouristique des châteaux. Jean-Jacques, retraité et gilet jaune, prend le mégaphone sur le parking : « Nous allons faire une balade pour dénoncer des injustices sociales qui n’ont que trop duré. Surtout respectez le Code de la route ! » lance-t-il à la vingtaine de personnes présentes.

Arrivé devant le château Prieuré-Lichine, sous une brume à peine dissipée, le groupe sort les pancartes et se dirige devant les grilles bien fermées. Maya a fabriqué une pancarte « Glyphosate, lâche-nous la grappe ». Productrice retraitée vivant près du Verdon, elle a longtemps vécu à Paris. Le mouvement des gilets jaunes l’a interpellée dès le début : « Différentes générations et différentes sortes de colères se rencontrent, se parlent et s’écoutent. L’action que nous menons aujourd’hui est née de nos débats et de nos réflexions », explique-t-elle. C’est Martine qui s’empare du mégaphone : « Oyez, oyez, visiteurs, vous foulez la terre que nous envie la terre entière. Malgré un chiffre d’affaires exorbitant, la famille Ballande, propriétaire du château, ne paie pratiquement pas d’impôts et ne participe en rien à la collectivité. Elle pratique l’optimisation fiscale, elle bénéficie de subventions de toutes sortes. » Sans oublier de cibler les graves problèmes liés aux pesticides : « Dans les écoles de la Gironde, enclavées entre des parcelles intoxiquées, nos têtes blondes sont exposées aux intrants chimiques industriels, prestigieux châteaux et crus classés assis sur vos acquis comme sur un trône… » Dominique, lui, tient une autre pancarte munie de grosses grappes mauves : « Bienvenue chez les saigneurs de la vigne ». Ouvrier de la vigne pendant vingt ans, il se bat contre un cancer depuis deux ans.

Des voitures roulent sur le bord de la route, ralentissent, et, voyant le groupe vêtu de jaune fluo, klaxonnent avec un gilet jaune bien calé sous le pare-brise. Frédéric, 46 ans, paraît très remonté. Les slogans, il les scande fort. Cet ambulancier de la fonction publique venu avec sa femme, coiffeuse, et son fils, depuis Saint-Médard-en-Jalles, ne s’en sort pas : « À deux, nous avons 2 000 euros pour vivre et nous ne nous en sortons pas. Toutes mes fins de mois, je suis à découvert. Et pourtant, je travaille en parallèle. Mais ça ne suffit pas. En face, je vois Macron, plein de mépris, symbole de l’oligarchie. Je n’ai rien contre les riches. La richesse des châteaux, OK, mais il faut qu’ils paient des impôts et qu’ils paient correctement leurs employés. »

Le cortège quitte les lieux en chantant et se dirige ensuite vers le château d’Arcins, propriété de la 9 e fortune de France, Pierre Castel. Ici Sylvie, 53 ans, et Jean-Michel, 58 ans, sont arrivés les premiers sur les lieux. Tous deux vivotent de l’allocation aux adultes handicapés. « Un responsable du château est venu nous voir affolé pour savoir si on allait tout casser. Il avait peur d’être agressé mais nous, ce qu’on veut, c’est être écoutés. Il est parti et s’est enfermé derrière les grilles. Je suis déçue qu’il n’ait pas entendu notre poème. On aurait aimé l’entendre réagir sur la fortune placée dans les paradis fiscaux de Pierre Castel. »

Dans, un tract distribué sur les quais de Pauillac, après le pique-nique, on pouvait lire ces revendications : « Rétablir l’ISF, abandon de l’exonération sur le non-bâti, arrêt des pesticides, égalité de rémunération entre salariés locaux et travailleurs détachés »…

Ixchel Delaporte
Gelbe Westen aus dem Médoc nutzten dieses offene Wochenende, um die Übernahme großer Weingüter durch Versicherungsgesellschaften und große Finanzgruppen zu verurteilen.

Es ist ein Spaziergang, wie wir ihn noch nie im Médoc gesehen haben. Eine beispiellose Aktion: Gelbe Westen aus dem Médoc verurteilen die Übernahme großer Versicherungsgesellschaften und Finanzgruppen über die großen Weinschlösser. Im Herzen einer der renommiertesten Appellationen der Welt haben sich rund sechzig von ihnen zu den Printemps des Châteaux eingeladen, dem traditionellen Tag der offenen Tür in der Region Bordeaux. In diesem Jahr fand das Ballett der Touristenautos und -busse nicht statt. Als Vorsichtsmaßnahme zogen es diese Burgen vor, ihre Tore zu schließen. Die wenige Tage zuvor von den gelben Medocan-Westen als friedlich und festlich angekündigte Aktion reichte nicht aus, um die Bedenken der Besitzer zu zerstreuen. Zweifellos hat die Veröffentlichung eines sehr schlecht informierten Artikels in der Zeitung Sud Ouest sie schließlich von Projekten überzeugt, die "drei Burgen besetzen" und "die Ankunft der schwarzen Blöcke".

Am Sonntagmorgen fanden auf den Leclerc-Parkplätzen in Pian-Médoc und Lesparre zwei gleichzeitige Treffen statt, eine erste Prozession von Autos zu den Burgen Prieuré-Lichine und Arcins, die zweite zu den Burgen Loudenne und Pedesclaux. Bernard steigt langsam aus seinem Auto aus. Mit 75 Jahren, mit Stock und gelber Weste, kam er aus Blaye, auf der anderen Seite der Mündung, um eine Nummer zu machen. Aber er hat sich nicht von Anfang an den gelben Westen des Bel-Air-Karussells in Blaye angeschlossen. Nein. Es wurde nach und nach gemacht. "Ich habe ihnen Wasserflaschen und hart gekochte Eier gebracht. Eines Tages bat mich eine Frau, Kaffee zu trinken und zu bleiben und zu essen. Vorher bin ich nicht ausgegangen. Und dann fing ich an, in Meetings zu gehen und Freunde zu finden. Deshalb bin ich heute wegen all dieser geschlossenen öffentlichen Dienste, wegen dieser entstellten Landschaften und verarmten Gebiete gekommen", erklärt er.

Wie er stammen sie aus verschiedenen Gruppen von gelben Westen sowie aus Kreisverkehren, die noch immer in diesem Gebiet aktiv sind, die vom INSEE als Beginn eines langen Armutskorridors definiert wurden, der sich vom Norden des Médoc bis Villeneuve-sur-Lot erstreckt, genau dort, wo die weintouristischen Routen der Burgen stattfinden. Jean-Jacques, pensioniert und mit gelber Weste, nimmt das Megaphon auf dem Parkplatz: "Wir werden einen Spaziergang machen, um soziale Ungerechtigkeiten anzuprangern, die zu lange gedauert haben. Beachten Sie vor allem die Straßenverkehrsordnung! "sagte er zu den etwa zwanzig Anwesenden.

Vor der Burg Prieuré-Lichine angekommen, nimmt die Gruppe bei kaum geräumtem Nebel die Schilder heraus und bewegt sich vor den gut geschlossenen Toren. Maya machte ein Schild mit der Aufschrift: "Glyphosat, gib uns eine Pause." Die pensionierte Produzentin, die in der Nähe des Verdon lebt, lebte lange Zeit in Paris. Die Bewegung der gelben Westen forderte sie von Anfang an heraus: "Verschiedene Generationen und verschiedene Arten von Wut treffen aufeinander, reden und hören aufeinander. Die Maßnahmen, die wir heute ergreifen, sind das Ergebnis unserer Debatten und Überlegungen", erklärt sie. Martine ist es, die das Megaphon nimmt: "Hört her, hört her, ihr Besucher, ihr tritt auf die Erde, die die ganze Erde uns beneidet. Trotz eines exorbitanten Umsatzes zahlt die Familie Ballande, Eigentümerin des Schlosses, praktisch keine Steuern und beteiligt sich in keiner Weise an der Gemeinschaft. Sie praktiziert Steueroptimierung und erhält alle Arten von Subventionen. "Ohne zu vergessen, auf die ernsten Probleme im Zusammenhang mit Pestiziden einzugehen: "In den Schulen der Gironde, eingeschlossen zwischen vergifteten Parzellen, sind unsere blonden Köpfe industriellen chemischen Einflüssen, prestigeträchtigen Schlössern und Jahrgängen ausgesetzt, die nach Ihren Errungenschaften geordnet sind, wie auf einem Thron.....". Dominique hingegen hält ein weiteres Schild mit großen lilafarbenen Trauben: "Welcome to the vineyard bleeders". Seit zwanzig Jahren im Weinbau tätig, kämpft er seit zwei Jahren gegen Krebs.

Autos fahren am Straßenrand, verlangsamen, und wenn man die Gruppe in fluoreszierendem Gelb sieht, hupt man mit einer gelben Weste, die gut unter der Windschutzscheibe positioniert ist. Frédéric, 46 Jahre alt, wirkt sehr verärgert. Er schreit Slogans lautstark. Dem Krankenwagenfahrer, der mit seiner Frau, einem Friseur und seinem Sohn aus Saint-Médard-en-Jalles kam, geht es nicht gut: "Zwei von uns haben 2.000 Euro zum Leben, und es geht uns nicht gut. Mein ganzes Ende des Monats bin ich im Freien. Und doch arbeite ich parallel. Aber das ist nicht genug. Umgekehrt sehe ich Macron, voller Verachtung, Symbol der Oligarchie. Ich habe nichts gegen die Reichen. Der Reichtum der Schlösser, okay, aber sie müssen Steuern zahlen und ihre Angestellten richtig bezahlen. »

Die Prozession verlässt den Ort singen und führt dann zum Château d'Arcins, das sich im Besitz von Pierre Castel befindet, dem neunthöchsten Vermögen Frankreichs. Hier sind Sylvie, 53, und Jean-Michel, 58, angekommen.